Regards Philosophiques
sur

le Mythe d'Epiméthée

et de Prométhée
 

Le Protagoras est un des plus beaux
dialogues de Platon.

Le dialogue se situe dans la maison
de Callias,où Socrate raconte avoir
rencontré, entre autres interlocuteurs
de marque,  le sophiste Protagoras,
de passage à Athénes.

Il faut souligner que Protagoras tenu
une place importante dans la pensée
grecque et qu'il incarne
la première génération de Sophistes.

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Epiméthée et Prométhée, sont chargés
de la répartition des qualités et talents
qui vont diversifier les espèces.
L'un fera la distribution, l'autre fera
"l'inspection".

Epiméthée se met alors scrupuleusement
à la tâche, guidé par la double exigence
de justeéquilibre et l'harmonieuse diversité ;
le plus fort seramoins rapide et le petit
animal saura voler dans les airs ou se tapir
sousla terre.

L'un aura des poils, l'autre une peau, l'un
sera carnivore et l'autre herbivore.

Mais quand toutes espèces furent harmonieu-
sement dotées et tous les talents généreu-
sement distribués, la bévue éclate au grand
jour : l'Homme a été oublié.

Prométhée intervient pour sauver et rétablir
cet oubli, jusqu'à trahir les Dieux et dérober
aux plus puissants d'entre eux, Héphaïstos et
Athéna, Le feu et l'habileté technicienne :
le feu à l'origine de toute technique,
l'intelligence technicienne à l'origine de
tout progrès.

L'Homo Faber est né.

L'espèce humaine, ainsi dotée change de statut ;
elle participe : "au lot divin", et invente
la "civilisation" sous quatre de ses formes les plus
riches : la  Religion, le langage, la technologie et
l'agriculture.

Pourtant, la vie sociale est encore impossible, car il
manque aux hommes la seule vertu qui la rend viable :
le sens politique que Prométhée, dans sa précipitation,
n'a pas eu le temps d'arracher à Zeus.

Le manque est décisif : sans l'art politique et l'art de
la guerre qui lui est inhérent, l'humanité ne sait ni se
défendre collectivement ni même cohabiter ; l'Homme,
à terme, ne saurait être qu'un : "loup pour l'homme".

Devant les risques d'une extinction progressive de
l'espèce, Zeus inquiet prie Hermès, dieu de la
communication, d'offrir aux hommes, et à tous les
hommes sans distinction,deux bienfaits supplémentaires,
la pudeur et la justice (la justice dicte la loi, la pudeur
respecte les interdits), fondements et condition de
possibilité de l'harmonie sociale.

Tous y auront droit, et qui les pratique pas sera
"fléau de la Cité", et s'exécute à ce titre :
telle est l'impitoyable loi de Zeus.

Protagoras ne manque pas d'en dégager aussitôt
deux conséquences qui prolongent curieusement
la rectification d'Hermès plus que celle
de Prométhée.

Car il faut montrer que la Vertu est peut être objet
d'enseignement.

La première oppose la spécificité des talents en
matière d'art ou de technique à l'universalité
du sens politique.

Le sens politique de Zeus fut selon le voeu
également réparti, et chacun en sa part.
Forgeron ou cordonnier, au même titre que
tout autre citoyen, peut avoir un avis et
émettre son opinion.

La politique est l'affaire de tous.

Mais faut il, continue, Protagoras , que ce
sens politique soit "inné" (puisque donné),
soit guidé et enrichi par une éducation
appropriée (qui n'exclut pas la sanction,
si tant que celle ci soit corrective ou
préventive).

Chose du monde la mieux partagée, ce
n'est pas assez de l'avoir, le principal
est de l'appliquer bien, donc d'apprendre
à l'appliquer bien.

Le passage du sens politique, (potentiel) à
l'art politique (réel) ne peut être le fruit
que de l'exercice et de l'étude :
la Politique s'apprend.

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