Dans le langage courant, le mot "Deuil" renvoie
à deux significations.
Il est appelé Deuil, l'Etat affectif douloureux
provoqué par la mort d'un Être Aimé.
Mais Deuil signifie tout autant la période de douleurs
et de chagrins qui suit cette disparition.
Le Deuil est donc constitutif d'une perte d'objet, au
sens psychanalytique d'objet d'Amour.
S. Freud s'est intéressé dans son ouvrage
"Deuil et Mélancolie" (1915) à cette "maladie naturelle" que traverse l'endeuillé.
Il a tenté d'y dégager les lignes directives
du travail psychique que doit accomplir le survivant placé devant le fait que l'objet est irrémédiablement
absent.
"Cette maladie naturelle" constitue une épreuve
de réalité bien spécifique. Il ne s'agit pas du premier travail psychanalytique à ce
sujet. Karl Abraham (1877-1925), élève de Freud, avait auparavant publié une recherche sur
le deuil en rapprochant le tableau nosographique de la Mélancolie* - qui appartient au domaine de la Pathologie
mentale - de celui du Deuil.
Dans le champs psychanalytique, comment se traduit cette
épreuve de Deuil ?
S. Freud a mis en évidence, dans l'ouvrage précité,
les modifications de la dynamique libidinale qu'engendre la disparition définitive d'un être aimé
(c'est à dire d'un objet libidinal).
Au cours du Deuil, le sujet accomplit un ensemble d'opérations
mentales : cet ensemble constitue "le travail de Deuil".
La personne aimée et disparue était investie
libidinalement par le sujet. Aussi, lors du Deuil, une partie de la Libido qui se dirigeait sur l'objet est libérée
et retourne sur le Moi.
C'est ce qui se traduit par le repli narcissique, car
la Libido ainsi soustraite du monde extérieur n'assure plus la prise sur la réalité.
Phénoménologiquement, cela s'observe par
un ralentissement des activités ou perte d'élan vital, un désintérêt pour le
monde environnant, un repli sur la douleur et les souvenirs.
Cette régression de la Libido entraîne une
identification au disparu : une partie du Moi du sujet devient l'objet : l'Identification Narcissique avec l'objet
devient le Substitut de l'Investissement d'Amour.
Ce processus est inhérent à tout deuil.
L'élément Capital de la compréhension
du travail de Deuil se situe au niveau de l'Identification narcissique à l'objet perdu.
Il y a "Incorporation de l'Objet" dans le Moi
dans le but de conserver le lien et d'éviter la perte. Cependant avec le temps, le Moi élabore peu
à peu la rupture et redistribue ses investissements.
Le travail de Deuil a donc pour tâche de remplir
la mission suivant e : accepter que l'objet perdu n'existe plus et détacher la Libido des liens qui la retournent
à l'objet.
Au verdict de la Réalité, le sujet répond
d'abord par la révolte en s'absorbant dans les souvenirs, moyen pour lui de nier l'absence.
Il peut même parfois passer par une psychose hallucinatoire
du désir qui place la pensée inconsciente au dessus de la Réalité (par exemple par
la Négation : "le disparu reviendra...".
Ce mode de relation à l'objet disparu (commémoration
des souvenirs), a été appelé "relation nostalgique à l'objet".
Puis les espérances Narcissiques que procure
la vie s'opposent à cette relation douloureuse : "... et le moi est quasiment placé devant le
fait de savoir s'il veut partager ce destin, et il se laisse décider par la somme des satisfactions narcissiques
à rester en Vie et à rompre sa liaison avec l'objet anéanti.
Le travail de Deuil doit donc aboutir au renoncement progressif
de cette activité mentale de représentations liées au disparu au profit d'une intériorisation
de celle-ci. Il s'agit en fait de perdre l'objet et de retrouver, (par le travail de Deuil sera accompli lorsque
le sujet parvient à sauvegarder l'Amour pour l'objet et l'Amour pour la Vie).
Cette étude sur le Deuil a permis
à Freud S. d'approfondir :
1)- les processus psychiques mis à l'Oeuvre dans
l'établissement des relations d'objet ;
2) - les processus liés aux mécanismes
d'Identifications;
3)- le devenir des relations d'objets.
Ainsi la recherche autour du Deuil s'inscrit-elle dans
la continuité de l'entreprise Théorique de Freud.
Mélanie Klein soutiendra d'après son expérience
clinique que la capacité de surmonter les Deuils, auxquels est confronté chaque sujet sur le chemin
de sa vie, dépend de la façon dont les premiers deuils de l'Enfance ont été élaborés.
Ainsi, selon elle, l'enfant passe par des États
comparables à ceux du Deuil de l'Adulte. Le premier Deuil apparaît lors du sevrage ; l'enfant pleure
le sein pour tout ce qu'il représente : Bonté, Sécurité, nourriture.... Ce sont pour
Mélanie Klein des épreuves maturantes, à l'origine d'élans créateurs.
Dans cette nouvelle perspectives, le terme deuil englobe
une signification plus large que celle désignant l'état causé par la mort d'un Être
aimé. Il s'agit essentiellement d'un renoncement ; ainsi les expressions "faire le deuil d'un projet,
d'une Illusion, d'une idée" comprennent l'amplitude qui est contenu dans le mot Deuil.
Le processus du Deuil consiste alors en un renoncement
à une image idéalisée de soi qui comble ne Narcissisme par la médiation d'Objets.
Une approche psychosociologique du Deuil permet de repérer
si la façon dont une société accueille la Mort peut ou non aider l'Individu à accomplir
le travail Psychique du Deuil.
Il est reconnu que dans les sociétés Tribales,
où le groupe prime l'individu, les rituels de deuils sont de véritables rites de passages fixant
l'entrée du Deuil et sa sortie.
Ces rituels de Deuils prennent en charge le travail psychique
individuel en le codifiant par les attitudes symboliques, alors qu'en Occident l'Individu doit trouver son propre
chemin de dégagement.
C'est ainsi que certains tabous en Afrique permettent
aux veufs(ves) d'expier leurs pulsions hostiles, plus ou moins inconscientes, à l'égard du conjoint
décédé.
Par exemple, ils doivent se soumettre à un certain
nombre d'interdits durant une période déterminée ; réclusion, continence sexuelle,
alimentation restreinte.
au terme de cette période, les interdits sont levés
et la fin du Deuil consacrés à des rites de purification, préservant ainsi le groupe de la
souillure.
Ces rites ont donc, d'une part, une fonction déculpabilisante
pour les proches et d'autre part, une fonction de protection du groupe célébrant la Vie et l'Union
des survivants.
En Occident, aujourd'hui, les Rituels de Deuil sont extrêmement
réduits, le deuil est "mis à l'écart".
Des études Sociologiques tentent de penser les
effets de ce phénomène. Nous assistons à un véritable déni de la mort en tant
qu'il y a refus d'une perception traumatisante.
C'est ainsi qu'en croyant de plus en plus à la
puissance de la Science et de la Technique, la conception même de "mort naturelle" est rejetée,
contrairement à toutes les morts spectaculaires qui sont devenues l'objet de Fascination.
La Mort n'est plus symbolisé par le groupe Social,
seul l'Imaginaire individuel prend en charge le travail de Deuil.