Une telle pensée est très éloignée
de l'idée ancienne qui voulait que l'on honorât le dieu en buvant, soit pour trouver la gaieté,
soit pour se libérer de ses soucis, ou encore tout simplement pour s'enivrer.
Cependant, quelques-uns des adorateurs de Dionysos ne prenaient jamais de vin.
On ne sait quand s'opéra la transformation du culte, transformation selon laquelle un dieu qui délivrait
les hommes pendant un bref instant au moyen de l'ivresse se trouva remplacé par un Dieu qui les libérait
au moyen de l'inspiration.
Ce changement amena un résultat remarquable, qui fit de Dionysos, pour toutes les générations
futures, le plus important des dieux de la Grèce.
Les Mystères d'Éleusis, célébraient en l'honneur de Déméter, ont eu,
certes, une très grande importance. Mais leur influence ne se maintint guère, sans doute parce qu'il
n'était jamais permis à personne d'en parler ouvertement pas plus que d'en écrire, et
vers la fin, il n'en restait plus qu'un souvenir incertain.
Il en fut tout autrement pour Dionysos. Tous participaient aux rites de sa fête solennelle, et le monde actuel
en garde encore une vive empreinte.
Aucun autre festival de la Grèce ne pouvait lui être comparé. Il avait lieu au printemps et
se prolongeait pendant cinq jours. C'était un temps de paix et de joies parfaites : on ne pouvait emprisonner
personne et les prisonniers étaient même relâchés afin de partager l'allégresse
générale.
Mais pour honorer le Dieu, le peuple ne se rendait pas dans un lieu sauvage rendu horrible par des actions
et un festin sanglants, ni même dans l'enceinte d'un temple, où des sacrifices rituels et des cérémonies
religieuses se dérouleraient selon un ordre consacré.
Il se rassemblait dans un théâtre et la cérémonie, en fait, était un spectacle.
Les meilleurs poèmes grecs qui comptent aussi parmi
les meilleurs qui soient au monde, furent écrits en l'honneur de Dionysos. Les auteurs de ces pièces
de théâtre, les acteurs et les chanteurs qui y figuraient, étaient tous considérés
comme les servants du Dieu.
Les représentations étaient sacrées ; les spectateurs, au même titre que les poètes
et les exécutants, participaient à une action culturelle.
Dionysos, lui-même, était censé être présent : son prêtre occupait le siège
d'honneur.
Voilà pourquoi, il apparaît clairement que l'idée du Dieu de l'inspiration sacrée, du
dieu qui pouvait communiquer son esprit aux hommes et leur donner le moyen d'écrire et d'agir magnifiquement,
devait supplanter toutes les autres idées que l'on se faisait de lui auparavant.
Les premiers poèmes tragiques, qui sont parmi les plus grands de tous les temps, furent représentés
sur la scène du théâtre de Dionysos.