Le peuple grec était trop lucide pour méconnaître
les deux effets du vin, l'un dégradant et laid, l'autre délicieux.
Il ne pouvait fermer les yeux au premier pour
ne voir que le second.
Dionysos étant le dieu du vin, il était
aussi, par conséquent, une puissance qui parfois incitait les hommes à commettre des crimes atroces.
Personne ne pouvait les empêcher ; personnes
ne tenterait jamais de justifier le sort réservé à Penthée.
Mais, se disaient les Grecs, de telles choses
se passent dans la réalité lorsque les hommes sont rendus furieux par l'effet du vin ; cette vérité-là
ne les rendait pas pour autant aveugles à l'autre, selon laquelle le vin est une source de joie qui rend
le coeur des hommes plus léger en leur procurant gaieté et insouciance.
"Lorsqu'avec le vin de Dionysos
Les soucis qui rongent les hommes
Quittent tous les coeurs.
Nous voyageons alors vers un pays qui n'a
jamais existé
Le pauvre devient riche, le riche devient
généreux,
Les conquérants du monde sont des
flèches faites du bois de la vigne".
Si d'un moment à l'autre Dionysos, se montre
aussi différent, c'est en qu'en tant que dieu du vin, il en a la double nature. Il est le bienfaiteur de
l'home et aussi son destructeur.
Sous son aspect bénéfique, il
n'est pas seulement le dieu qui rend les hommes heureux, sa coupe :
"Donne la vie et guérit
tout mal"
Sous son empire, le courage est stimulé et la
crainte bannie, du moins, sur le moment. Il transporte ses adeptes, il leur insuffle la conviction qu'ils sont
capables de réaliser ce qui leur paraissait auparavant bien au-dessus de leurs forces.
Toute cette facilité heureuse, toute cette confiance
s'évanouissent, certes, selon qu'ils sont sobres ou ivres, mais tant qu'elles durent, elles leur donnent
le sentiment d'être possédés par un pouvoir plus grand qu'eux-mêmes.
Et c'est pourquoi, ce qu'ils éprouvaient
envers Dionysos ne ressemblait en rient à ce que leur inspiraient les autres dieux.
Dionysos non seulement existait en dehors d'eux-mêmes
mais aussi en eux-mêmes ; par lui, ils pouvaient se transformer à sa ressemblance.
Ce sens momentané du pouvoir que donne l'ivresse
n'était qu'un signe qui montrait aux hommes qu'ils possédaient en eux bien plus qu'ils n'en savaient
: ils pouvaient eux même devenir des dieux.